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Les Chroniques de Mel

15 avril 2019

13 reasons why de Jay Asher

13 reasons why. Soit 13 cassettes expliquant le terrible geste d'Hannah Baker. Et autant de raisons de s'interroger sur le contenu du livre.

 

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Cela commence par celle d'Alex qui, stupide adolescent comme il en existe tant d'autres, rédige une liste classant les filles selon leur physique. Hannah est gratifiée du "Best Ass" et elle estime que la présence de son nom sur cette liste est la raison pour laquelle Bryce se permet de la harceler plus tard dans la même journée. Dès le début, son raisonnement est bancal puisque seul Bryce est responsable d'être un sale type et liste ou pas, le personnage est du genre à se permettre de mettre des mains aux fesses de ses camarades.

 Plus tard, elle accuse Tyler d'être un stalker et raconte le moment où elle se rend compte qu'elle est espionnée, tard le soir dans sa chambre. Elle explique la disposition de ses fenêtres et des stores souvent entrouverts puis dit :

"Still, I wasn't dumb enough to change in front of the window. So I sat down on my bed. Click. [...] Or maybe it wasn't a click, I told myself. Maybe it was a creak. My bed has a wooden frame that creaks a little. That was it. It had to be a creak.

I pulled the blankets over my body and I undressed beneath them. Then I put on my pajamas, doing everything as slowly as possible, afraid whoever was outside might snap another picture. After all, I wasn't totally sure what a Peeping Tom got off on."

Je veux bien accepter le fait qu'elle ait peur, qu'elle n'ose pas appeler la police par crainte que le stalker n'existe que dans son imagination,... Je ne veux pas du tout atténuer la responsabilité de Tyler dans cette histoire. Toutefois, il me semble qu'il y a des gestes simples qui auraient pu préserver Hannah: fermer les stores, se changer dans la salle de bain, dormir ailleurs, appeler des amis,... Mais non. Son idée : se compromettre dans une mise en scène lesbienne avec une nana du lycée qu'elle connaît à peine. Puis reprocher à cette même fille l'inconstance de son amitié alors qu'elle est tout aussi versatile mais ne semble pas s'en rendre compte.

 

Je peux me tromper mais j'ai plus eu l'impression qu'Hannah sombre peu à peu dans la dépression et que blâmer tous ceux qui l'entourent pour leurs mesquineries et les souffrances absolues qu'ils lui infligent lui permet de ne pas s'interroger sur la véritable source de son mal-être. Et cela devient problématique si personne ne propose cette réflexion. Au lieu de ça, on a une adolescente présentée comme une héroïne tragique qui colle sa mort sur le dos de gamins immatures. Quand Zach s'amuse à subtiliser les mots destinés à Hannah, elle déclare, sur la cassette qui lui est réservée :

"You probably got sick to your stomach when you heard what I did. But the more time that went by, the better you felt. Because the more time that went by, the more likely your secret died with me. No one knew. No one would ever find out."

L'exagération peut se comprendre quand on saisit l'hypersensibilité d'Hannah et elle le souligne plus tard en disant :

"Maybe it didn't seem like a big deal to you, Zach. But now, I hope you understand. My world was collapsing. I needed those notes. I needed any hope those notes might have offered".

Oui, il a été stupide. Oui, il a fait une erreur. Mais il a seize ans et à cet âge-là, c'est dans la nature humaine d'être un peu débile. D'accord, Hannah a souffert de cette mesquinerie mais en blâmant Zach, elle lui fait porter le poids de son suicide et le tourmente tout autant, si ce n'est plus. Et ça, personne ne le souligne. Il n'y a pas de nuance de la part de Clay qui écoute et compatit, sans presque jamais se dire qu'elle a parfois eu tort. D'autant plus que, perdue dans sa spirale infernale, elle reste très autocentrée. D'un côté, elle refuse de s'ouvrir aux autres, d'expliquer sa souffrance et son mal-être. De l'autre, elle voudrait que tout le monde s'interroge/l'interroge sur ses plaies béantes mais invisibles. Par exemple, elle reste plantée sur le trottoir à côté de son ancienne maison et regarde l'homme qui y habite s'en aller: "Why he didn't stop, why he didn't ask why I was standing there staring at his house, I don't know." Peut-être qu'il avait autre chose à faire. Peut-être qu'il s'en foutait. Mais ça ne lui effleure pas l'esprit.

 

On en arrive au point clef de l'histoire : le viol de Jessica auquel Hannah assiste sans rien faire, incapable d'agir pour une obscure raison (trop d'alcool? Mais elle n'a pas tant bu. Le stress?) et elle titube vers le placard. Elle admet porter une partie de la responsabilité de ce qui est arrivé à Jessica, mais je la trouve très à l'aise pour se dédouaner. Je veux bien accepter toutes les conneries d'Hannah mais celle-là a un peu de mal à passer. Quand elle dit "That my mind was in a meltdown is no excuse" est justement une excuse pour justifier sa passivité dans son putain de placard. Et elle ajoute "I could have stopped it – end of story. But to stop it, I felt like I'd have to stop the entire world from spinning. Like things had been out of control for so long that whatever I did hardly mattered anymore." Suis-je la seule à avoir envie de hurler ? D'autant plus qu'elle a le courage sélectif puisque quelques instants plus tard, elle fait un scandale à la pompom girl qui a dégommé le panneau stop en la raccompagnant chez elle. Donc elle peut se permettre de faire des cassettes pour une pauvre liste sur qui est canon et qui ne l'est pas mais en trois phrases elle pense justifier sa passivité face à un viol? C'est beaucoup trop facile !

 

A la fin, elle se laisse couler au fond de l'abyme en acceptant de prendre un bain avec Bryce pour perdre sa virginité avec lui. Dans la série, il la viole mais dans le roman, la question du consentement est plus ambiguë. Elle dit : « But I, for the record, did nothing to stop you. » mais la façon dont la scène est décrite rend le passage gênant puisqu'Hannah voudrait faire croire qu'elle est consentante tout en laissant entendre qu'elle ne l'était pas.

« For everyone listening, let me be clear. I did not say no or push his hand away. All I did was turn my head, clench my teeth, and fight back tears. And he saw that. He even told me to relax.[...] But in the end, I never told you (Bryce) to get away... and you didn't. »

 

La dernière cassette est celle qui me paraît la plus malhonnête de la part d'Hannah. Elle prétend tenter une dernière fois d'appeler quelqu'un à l'aide (alors qu'elle a envoyé paître tout le monde, y compris Clay alors qu'il est adorable avec elle) en allant voir son conseiller d'orientation.

« I'm asking for help because I cannot do this alone. I've tried that. »

Peut-être mais assez mollement, il me semble. Je trouve sa démarche malhonnête parce qu'elle a déjà décidé de se suicider depuis longtemps, puisqu'il s'agit de la dernière cassette à être enregistrée et qu'elle parle de sa mort sur les 12 autres. Encore une fois, on dirait une tentative pour se dédouaner de toute responsabilité et de la lâcher sur le dos de son entourage (mais bizarrement, pas de ses parents alors qu'ils étaient aux premières loges). Le message de la dernière cassette m'apparaît ainsi : Mr Porter, si je suis morte, c'est à cause de vous parce que vous n'avez pas réussi à me sauver. Et maintenant, essaie de vivre avec ça.

 

Comme beaucoup, je pense, j'ai été séduite par la construction de l'intrigue, ces 13 récits enregistrés avec lesquels Clay, le narrateur, dialogue. Ce concept est d'ailleurs la force du roman et en même temps sa plus grande faiblesse car il faut remplir ces fameuses cassettes. Et les premières petites histoires d'Hannah, malgré tous les sentiments dont elles se parent, ne sont que des petites histoires et font office de vain bavardage pour amener à l'événement particulièrement traumatisant qu'elle a vécu. A travers le texte, on devrait comprendre que le personnage d'Hannah sombre dans la dépression à cause des misères que d'autres lui font subir et les cassettes se font très souvent accusatrices. Et à la limite, là n'est pas le problème puisqu'il s'agit de son point de vue et qu'il est subjectif. Ce qui me gêne, c'est que personne n'en prend le contrepied, essaie de réfléchir aux actes d'Hannah, aux erreurs qu'elle aussi a commises. Finalement, faire de Clay son interlocuteur ne paraît pas être un choix idéal puisqu'il abonde beaucoup trop en son sens et ne permet pas d'établir un point de vue plus nuancé, plus critique. Il me semble que Tony aurait été parfait pour endosser ce rôle mais l'auteur n'a semble-t-il pas jugé utile de creuser ce personnage.

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20 mai 2016

Last but not least

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L'idée me titille depuis un moment mais je n'arrivais pas à m'y résoudre. Pourtant, il faut se rendre à l'évidence, je n'ai plus l'inspiration nécessaire pour tenir ce blog. J'ai beau réfléchir à une nouvelle présentation, une autre manière d'aborder les films, ça ne sert à rien quand on n'a tout simplement pas envie d'écrire. Donc c'est décidé, j'arrête ce blog.

J'aime toujours autant le cinéma mais les productions de qualité se font rares ces derniers temps. Et d'autres plus doués que moi écrivent déjà dessus. Sans oublier que tenir un blog est une activité chronophage et j'ai de plus en plus de mal à me dégager assez de temps pour rédiger un article, prise par mes autres activités (professionnelles et personnelles), chronophages elles aussi. Donc à partir de maintenant, je vais poursuivre ma boulimie mais sans en parler.

En chiffres, mon blog peut se traduire par 5 ans, 310 articles, un peu plus de 40 000 visiteurs... Je me suis fait de supers copains et copines virtuel(le)s et c'est une expérience qui m'a permis d'améliorer mon écriture (je vous recommande mes premiers articles, superbes! XD). Bref, que du positif!

En revanche, je ne m'arrête pas d'écrire! C'est mission impossible. Cependant, je me concentre sur la fiction, et plus sur le cinéma. Si vous voulez suivre mes nouvelles aventures, il y a plusieurs solutions: un blog auteur (que je vais essayer d'alimenter plus souvent), une page facebook et un profil Scribay où vous pouvez lire le roman que je suis en train de peaufiner!

 

29 avril 2016

Les Virtuoses de Mark Herman avec Pete Postlethwaite, Ewan McGregor, Stephen Tompkinson, Jim Carter, Tara Fitzgerald

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L'histoire : La fanfare de Grimley vit ses derniers jours car ses membres voient leurs emplois menacés par la politique de fermeture des mines de charbon en Angleterre. Pourtant, elle est en lice pour participer à un concours dont la finale se déroulera au Royal Albert Hall et Danny, le chef d'orchestre, se démène pour motiver ses musiciens.

Ce que j'ai aimé :

- l'authenticité de l'intrigue : Le centre du film n'est pas la fanfare mais l'avenir des hommes qui la composent et qui se battent depuis des années pour leur travail. Certains se sont même endettés et ont fait de la prison afin de défendre la mine pendant les grèves de 1984. Le propos n'a rien de drôle et contrairement aux films américains pleins de bons sentiments, un deus ex machina ne va pas surgir pour régler le taux de chômage comme par magie. Nos voisins anglais sont les spécialistes des drames sociaux, comme nous l'ont montré The Full Monty, Billy Elliot ou plus récemment, Pride et encore une fois, leur recette fonctionne parce que chaque ingrédient est justement dosé entre la dénonciation d'une politique qui a laissé 250 000 mineurs sur le carreau, l'humour, la musique, l'émotion et un brin de romance.

Cette authenticité se traduit aussi par la non idéalisation du décor (la ville construite en brique rouge, les intérieurs miteux avec papier peint déchiré et canapé défoncé, les vieilles voitures déglinguées) et des personnages. Ce qui m'amène au point suivant!

- les personnages : Ils sont très loin des stéréotypes auxquels on est confronté dans le cinéma. Ce sont des monsieur et madame Toutlemonde et n'ont rien d'exceptionnel, à part un humour décapant. Les plus touchants sont Danny, le chef d'orchestre aux poumons envahis par le charbon, et Phil, son fils pris à la gorge par les dettes, parce qu'ils entretiennent une relation très pudique qui gagne en puissance à mesure que le film avance. Ces deux-là réservent de très belles scènes. Les personnages secondaires, même s'ils ont une importance bien moindre, sont traités avec subtilité, à l'image d'Harry qui ne fait que croiser sa femme en rentrant du travail et en sortant jouer avec la fanfare. Par de très courtes scènes, le réalisateur suggère beaucoup à propos de ses personnages et leur permet d'exister en dehors du champ de la caméra.

Pete Postlethwaite and Stephen Tompkinson in Mark Herman's BRASSED OFF

- les acteurs : Que des gueules! Le genre qu'on n'oublie pas facilement, à commencer par Pete Postlethwaite et Stephen Tompkinson. Mais je vous avouerai que la meilleure surprise est la présence de Jim Carter, LE Mr Carson de Downton Abbey! J'aime la présence qu'il a à l'écran et le son de sa voix. Bien sûr, Ewan McGregor est tout mignon et il n'est pas seulement utilisé comme un atout charme. Idem pour Tara Fitzgerald.

- la musique : elle est omniprésente. Normal pour un film centré sur une fanfare mais ça pourrait en effrayer plus d'un, surtout que ce n'est pas forcément un genre apprécié par tout le monde. Heureusement, elle est savamment dosée pour ne pas étouffer le spectateur. Et certains passages sont splendides, notamment le morceau pendant lequel Tara Fitzgerald est soliste. Et l'apothéose arrive lorsque le groupe joue l'ouverture de Guillaume Tell de Rossini parce qu'il est impossible d'ignorer la dimension épique de ce morceau!

- l'humour anglais : même les blagues légèrement vulgaires ont l'air raffinées quand elles sont proférées par un Anglais. Ce n'est pas une comédie à proprement parler donc le but du film n'est pas de faire rire. Pour autant, quelques piques assez efficaces y sont disséminées, à l'image d'un dialogue surréaliste tenu par cinq mineurs entassés dans une voiture à propos de l'expression "pisser dans un violon."

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Ce que je n'ai pas aimé:

Rien. Je regrette juste que le grain de folie de Vera (la femme d'un des mineurs) et de son acolyte ne soit pas plus poussé parce que ce sont deux personnages qui auraient pu être géniaux. Imaginez deux quarantenaires un peu jalouses qui se font teindre les cheveux en violet pour aller soutenir la fanfare... J'espérais que leur caractère déjanté serait davantage exploité et cela n'a pas été le cas.

22 avril 2016

Le Talentueux Mr Ripley d'Anthony Minghella avec Matt Damon, Jude Law, Gwyneth Paltrow, Cate Blanchett, P.S Hoffman, J.Davenport

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L'histoire : Tout commence lorsque Tom Ripley emprunte la veste d'un pianiste qu'il remplace et se fait passer pour un élève d'Harvard. Son mensonge lui ouvre des portes qu'il ne soupçonnait pas et l'emmène en Italie, où il fait la connaissance de Dickie Greenleaf et Marge, sa petite amie. Fasciné par Dickie et la dolce vita, prêt à tout pour conserver son nouveau train de vie, Tom s'enferme dans des mensonges et des faux-semblants.

 Ce que j'ai aimé :

- Tom Ripley : Comme le titre du film l'indique, il s'agit du personnage central et son caractère tortueux et torturé est absolument fascinant. Au début, il se présente comme un jeune homme ringard et nouille, ce qui lui vaut quelques moqueries de Dickie. Mais Tom est plus intelligent que Dickie ne le pense et surtout, il apprend très vite. Prenant pour modèle ce gosse de riche sophistiqué, il devient raffiné et élégant. Dans la deuxième partie du film, alors que les mensonges de Tom le submergent, le spectateur plonge avec délectation dans les méandres de son esprit perturbé. Tout en restant profondément attachant, le jeune homme perd toute notion de morale et manipule tous ceux qu'il côtoie.

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- la relation entre Tom et Dickie : l'intérêt éprouvé par Tom pour Dickie ne peut pas se résumer à de la simple attirance. Il voudrait tellement être son nouvel ami, parce qu'il est extraverti, séduisant, drôle,... que l'amour se mélange à la fascination dans un cocktail morbide. L'attitude de Dickie à l'égard de Tom est tout aussi ambigüe, allant de l'amitié homoérotique au désintérêt le plus total.

- le cadre : Que ce soit le petit village de bord de mer ou Rome, la représentation de l'Italie des années 1950 est digne de celle d'une carte postale et m'a fait rêver. Des petites ruelles pavées aux escaliers de la place d'Espagne, sous le soleil d'été ou dans la nuit d'hiver, les décors sont splendides et m'ont donné des envies de voyage.

- les acteurs : Que dire ? C'est Noël avant l'heure. Matt Damon endosse de façon charmante et avec une facilité déconcertante le costume pourtant complexe d'un sociopathe comme Tom Ripley, notamment dans les dernières scènes du film, quand il vogue entre la cruauté, la souffrance et le besoin d'être aimé. Face à lui, Jude Law est absolument magnifique. Oui, il joue bien aussi, mais il est surtout très beau. Cela m'a fait plaisir de revoir le regretté Philip Seymour Hoffman et je me suis pamée devant la classe de Cate Blanchett.

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- la mise en scène : ou plutôt ce qui est suggéré tout au long du film sans être montré. Et j'ai adoré ! Cela concerne essentiellement la sexualité de Tom, qui est volontairement floue pour densifier le mystère qui entoure le personnage. La dernière scène est particulièrement réussie : on y voit un crime d'amour plein de pudeur et la mise à mort en devient presque belle.

Ce que je n'ai pas aimé :

A vrai dire, pas grand chose. Le décor peut sembler un peu trop parfait et artificiel, voire idéalisé et le film est un poil trop long mais je n'ai vu aucune véritable faute.

 

P.S Je suis toujours en manque de motivation pour écrire mes articles alors j'expérimente de nouvelles présentations. Dites-moi ce que vous en pensez!

 

 

4 avril 2016

La Vache de Mohamed Hamidi avec Fatsah Bouyahmed, Jamel Debbouze, Lambert Wilson

 

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L'histoire : Depuis des années, Fatah, un fermier algérien, postule pour faire participer sa vache, Jacqueline, à un concours bovin du salon de l'agriculture de Paris. Devant sa persévérance, il est finalement invité et se rend dans la capitale française à pied.

Très courte chronique mais gros coup de coeur! Enfin un film plein de bonne humeur ne faisant pas appel à de l'humour douteux et/ou potache! Une comédie ne m'avait pas fait autant rire depuis un moment... Le personnage de Fatah n'est pas sans rappeler certains personnages loufoques de Gad Elmaleh, autant dans la gestuelle que dans la répartie tantôt naïve, tantôt piquante. Son road trip en compagnie de Jacqueline lui permet de s'ouvrir à un monde différent de celui qu'il connaît à travers son rude quotidien, de faire des rencontres surprenantes,... La Vache n'a rien de révolutionnaire mais l'écriture des dialogues est souvent fine et les situations un peu gaguesques mais efficaces. C'est aussi un film touchant et tendre parce que Fatah est un être dont la simplicité déconcerte souvent mais le rend aussi très attachant. On lui pardonne facilement ses erreurs parce qu'il ne pense jamais à mal.

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Au cours de son curieux périple à travers la campagne française, Fatah rencontre notamment Philippe, un comte ruiné et dépressif obsédé par ses problèmes personnels (incarné par l'excellent Lambert Wilson). Le duo incongru formé par les deux hommes est efficace et l'amitié qui se profile entre eux leur apporte finalement beaucoup. Mais la vedette du film, outre Jacqueline, reste Fatsah Bouyahmed. Avec ses faux airs de Groucho Marx, il est génial et porte à lui seul une bonne partie de l'histoire.

Mon dernier bravo va à Ibrahim Maalouf qui signe une très jolie bande originale, légère mais riche, en parfaite adéquation avec l'histoire de Fatah. Vraiment, si vous le pouvez, courez voir La Vache et vous serez certains de passer un très bon moment de cinéma!

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27 mars 2016

Loin de la foule déchaînée de Thomas Vinterberg avec Carey Mulligan, Matthias Schoenaerts, Michael Sheen, Tom Sturridge

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L'histoire: Bathsheba Everdene est une jeune femme indépendante qui ne voit pas dans le mariage un moyen de s'accomplir en tant que femme. Pourtant, lorsqu'elle hérite de la ferme de son oncle, elle se rend vite compte que les enjeux du mariage sont bien plus importants qu'elle ne le pensait et elle devra faire le bon choix entre trois prétendants.

Ce qui étonne d’abord dans Loin de la foule déchaînée, c’est la modernité de l’histoire et des personnages. Contrairement à de nombreuses intrigues, la demande en mariage ouvre le film au lieu de le clore. La jeune fille célibataire, hantise de toute famille, le reste par volonté d’indépendance. Ne pas épouser Gabriel Oaks est un choix que Bathsheba Everdene revendique, ce qui fait d’elle une femme assez moderne. Et cette idée est renforcée par sa décision de diriger seule la grosse ferme dont elle hérite, quitte à contribuer à l’effort fourni par ses employés. A l’époque, ce n’était sans doute pas courant. Tout comme le regard bienveillant porté sur les erreurs qu’elle peut commettre envers ses différents prétendants. Dans un roman de Jane Austen, elle aurait été mise au ban de la société pour moins que ça. La forte personnalité de Bathsheba fait rapidement d’elle un personnage attachant, même si elle se ramollit un peu en cours de route et qu’elle devient presque mièvre sur la fin.

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Autour d’elle gravitent trois hommes, très différents les uns des autres, autant dans leur caractère que dans leur façon de l’aimer. Gabriel Oaks, le premier à l’avoir demandée en mariage, a dégringolé de l’échelle sociale en perdant tous ses biens. Malgré sa pauvreté, il entend bien rester digne et loyal envers celle qui est désormais sa patronne. C’est un taiseux mais il n’hésite pas à se montrer honnête, et tant pis si B n’a pas envie de l’entendre. Son amour pour elle est silencieux mais profond. C’est tout à fait le type de personnages que j’adore, celui qui est trop peu souvent apprécié à sa juste mesure. Mr Boldwood m’a beaucoup fait penser au colonel Brandon de Raison et sentiments. Ce cœur endurci bien plus âgé que la miss Everdene succombe à son charme naturel, mais il a la passion digne. Du moins, au début mais son évolution psychologique est à peine effleurée par la suite. Le sergent Frank Troy est le plus jeune et le plus charmant des trois. Sa fougue et son uniforme ne laissent pas Bathsheba de marbre et elle ne peut résister à sa passion flamboyante mais fugace. D'une certaine manière, tous trois correspondent à un pan de la personnalité de Bathsheba. Reste à savoir laquelle/lequel va l'emporter...

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Malgré un léger manque d’alchimie entre certains acteurs, le casting fonctionne assez bien. Après m’avoir déçue à plusieurs reprises, j’ai retrouvé la Carey Mulligan que j’appréciais. Il lui manque encore une petite étincelle mais elle reste assez convaincante. Dommage que ses interactions avec le reste du casting ne fonctionnent pas toujours. Quand Bathsheba hésite à se marier avec Boldwood, on n’y croit pas un seul instant parce que le couple d’acteurs ne fait pas rêver. Malgré tout, je reste plus sensible au charme de Matthias Schoenaerts que j’ai trouvé vraiment très bon dans le rôle de Gabriel. L’acteur belge est capable d’exprimer la peine ou la déception d’un simple regard. J’ai regretté de ne pas voir davantage Michael Sheen, lui aussi excellent mais dont le personnage n’est pas assez mis en avant pour expliquer le geste qu’il commet en fin de film. Quant au dernier, Tom Sturridge, je me suis plutôt focalisée sur sa moustache parce que ce genre capillarité faciale me perturbe toujours.

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Si j’avais un bémol à émettre, il concernerait les costumes. Je ne les ai pas trouvés particulièrement recherchés, surtout les robes de Carey Mulligan, souvent monochromes et simplettes. D’ailleurs, la costumière chargée des chapeaux devait l’avoir dans le pif parce que chaque fois qu’elle a un couvre-chef posé sur la tête, elle se retrouve avec une mine affreuse. Pour le reste, je vais encore dire que j’adore les paysages verdoyants que l’on trouve dans le sud-ouest de l’Angleterre (encore plus depuis que j’y suis allée !). Le film leur fait la part belle puisque la majorité de l’histoire se déroule à l’extérieur, même si l’esthétisme n’est pas aussi poussé que dans les adaptations de Joe Wright, par exemple. Du reste, la réalisation est très classique et il n'y a aucune originalité dans la construction du film et de l'histoire. Autre élément intéressant et agréable, l’intégration de plusieurs ballades chantées par les personnages. J’ai particulièrement apprécié le superbe duo entre Bathsheba et Mr Boldwood et la chanson paillarde du mariage.

Comme pour Orgueil et Préjugés, j’ai terminé le film en ayant l’envie de lire le livre de Thomas Hardy, afin de découvrir tout ce qui a été suggéré mais n’a pas pu être abordé. En regardant le film, impossible de ne pas sentir que certaines relations entre les personnages ont été sacrifiées pour en privilégier d’autres (je pense toujours à ce pauvre Boldwood) et malgré ses nombreuses qualités, l’adaptation de Loin de la foule déchaînée, par certains plans, choix de lumière,… se rapproche parfois dangereusement de la bleuette. Mais globalement, j'ai beaucoup apprécié et ma curiosité a été piquée... Un crochet par une librairie va devoir s'imposer!

27 février 2016

Crimson Peak de Guillermo del Toro avec Tom Hiddleston, Mia Wasikowska, Jessica Chastain, Charlie Hunnam

 

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L'histoire: Edith Cushing vit seule avec son père, un riche entrepreneur de Buffalo. La jeune femme ambitionne de devenir écrivain mais rencontre des difficultés à être publiée. Un jour qu'elle teste une machine à écrire au bureau de son père, elle fait la connaissance de Thomas Sharpe, un baronnet anglais venu trouver des fonds pour une machine, et elle tombe immédiatement sous son charme ténébreux.

Je trépignais d'impatience à l'idée d'assister au retour du gothique au cinéma mais je n'ai pas eu le temps d'aller voir Crimson Peak en salles. J'ai donc rattrapé mon retard hier... Et ma déception fut aussi grande que mes attentes. C'est malheureux de voir une bonne idée massacrée par une réalisation incohérente. 

La trame de l'histoire n'a rien de révolutionnaire mais elle reste parfaite pour planter un univers gothique à souhait. Pour rappel, le roman gothique est une spécialité anglaise du début du XIXème siècle dans laquelle on retrouve souvent des châteaux hantés, des cimetières, des orages et des personnages typiques comme des femmes fatales, des démons, des séducteurs maudits et d'innocentes jeunes femmes. Dans Crimson Peak, les rôles sont parfaitement distribués : Edith joue le rôle de l'ingénue, Thomas celui du sombre prétendant, Lucille est la soeur effrayante et Alan le preux chevalier. Même le code couleur est respecté : les bruns sont les méchants, les blonds les gentils. Le décor de Crimson Peak est époustouflant et j'ai adoré la grandeur mêlée de déchéance de l'ameublement. C'est beau et lugubre à la fois. Les bonnes idées concernant ce décor baroque complètement délabré pullulent et sur ce point, le film est absolument irréprochable. Même chose pour les costumes choisis avec soin pour les différents personnages, que ce soit les robes extravagantes et colorées pour Edith ou les tenues sombres mais élégantes de Lucille. Je ne vous parle même pas des messieurs en gilet, vous savez déjà ce que j'en pense. 

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Guillermo del Toro montre qu'il connaît très bien les codes du gothique mais au lieu de s'amuser avec pour dérouter le spectateur, il les suit scrupuleusement et livre un film prévisible. Je comprends la volonté de rester fidèle à cette littérature mais le spectateur d'aujourd'hui n'est pas le lecteur d'il y a deux siècles et assister aux errances d'une jeune fille pure et innocente est juste ennuyeux. Surtout quand elle est incarnée par la parfaite poupée Mia Wasikowska, que je ne peux plus sentir dans le rôle de la jeune fille naïve qui écarquille les yeux d'incompréhension toutes les trois minutes (Alice, Jane Eyre, India dans Stoker, Emma Bovary, Helen dans Albert Nobbs...). Cette actrice est tellement figée qu'elle ne transmet aucune émotion et je n'ai senti aucune alchimie entre elle et les autres acteurs. Le personnage de Thomas Sharpe (Tom Hiddleston) remet son existence en cause pour son amour mais il n'existe aucune passion entre Edith et lui. Crimson Peak est en grande partie centré sur Edith qui est donc un personnage moyennement intéressant joué par une actrice moyennement inspirée. On part avec un gros handicap. Mais ce n'est pas tout. Presque tout le casting est rendu fadasse au possible, même Tom Hiddleston et Charlie Hunnam! La seule qui tire son épingle du jeu est Jessica Chastain. Elle parvient à montrer que Lucille a des failles avec beaucoup de subtilité et sa présence est très magnétique. Par exemple, elle parvient à rendre une simple étreinte plus sensuelle que LA scène "torride" du film. 

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Passons maintenant aux trois véritables problèmes de Crimson Peak. Le premier, et de loin le plus important, est la cohérence. Des tas d'éléments sont évoqués, soulignés, abordés, pointés du doigt et on se rend finalement compte qu'ils ne servent à rien. Plusieurs fois, l'image se concentre sur des insectes, notamment des papillons et des mouches morts, et laisse penser qu'il s'agit d'un détail important qui est vite oublié par la suite. Pourquoi insister sur cela alors? A un autre moment, Edith est vraiment mal en point et tombe du premier étage, se blessant méchamment à la jambe. Dix minutes plus tard, elle gambade dans les sous-sols du manoir et ne boite même pas. Le deuxième souci concerne les clichés. La littérature gothique en est pleine, c'est même son principe de base, mais rien n'oblige à tous les respecter si on veut intégrer un minimum d'originalité. D'ailleurs, j'évoquais la scène torride tout à l'heure et on ne peut faire plus cliché. D'abord, elle m'a paru gratuite (même si on tente de la justifier par la suite, je ne suis pas convaincue). Ensuite, et pardon pour mon langage, il faut arrêter avec ce mythe de la vierge bête de sexe. Pendant toute l'histoire, Edith est une gourde et il suffit de la déshabiller pour qu'elle devienne plus futée? Le troisième point qui nuit au film est le visuel absolument affreux, voire ridicule, des fantômes. Je ne le répéterai jamais assez, pour mettre un spectateur mal à l'aise, il faut suggérer le fantastique et pas le montrer. Le premier fantôme apparaît dès le début et il est tellement moche qu'il en devient drôle. 

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Je dois avouer que je suis un peu naïve. Quand j'entends Guillermo del Toro, je me laisse endormir à cause du Labyrinthe de Pan sans penser qu'on lui doit aussi Pacific Rim. Graphiquement, c'est un réalisateur qui ne déçoit pas et l'image de Crimson Peak est vraiment belle. L'univers est juste parfait, que ce soit par les décors ou les costumes. Seulement, le scenario est raté et bien trop prévisible. Et le casting est prestigieux mais ne fonctionne pas. Dommage parce qu'il y a de bonnes idées qui auraient mérité d'être davantage exploitées (la relation entre Thomas et Lucille, par exemple) et des personnages baclés qui auraient pu être bien plus travaillés (pauvre Alan...)

25 février 2016

Le Serpent d'Eric Barbier avec Yvan Attal, Clovis Cornillac, Pierre Richard, Olga Kurylenko

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L'histoire : Vincent Mandel, photographe de mode, est en instance de divorce et se déchire avec sa femme à propos de la garde de leurs deux enfants. Un jour, un nouveau mannequin débarque dans son studio pour un shoot de lingerie. Ce que Vincent ne sait pas, c'est que la jeune femme travaille en réalité pour Joseph Plender, un ancien camarade de classe bien décidé à faire de la vie de Mandel un enfer. 

Je suis d'humeur magnanime et j'essaie de redonner une chance au cinéma français dont toutes les productions ne sont pas des bouses sans nom. La preuve, Le Serpent, sans être d'une originalité folle, fonctionne plutôt bien dans l'ensemble. La machination soigneusement (et odieusement) mise en place par Joseph est un bijou de machiavélisme et Vincent ne peut que se débattre dans une affaire qui le dépasse. Dans le détail, je n'ai pas pu m'empêcher de grincer des dents à propos de certains personnages trop stéréotypés (non, je ne pense pas du tout à la future ex-femme de Vincent qui confond détester son mari et être complètement conne) et la fin ne m'a pas convaincue (mais j'y reviendrai en toute fin d'article, pour ceux qui ne veulent pas être spoilés). 

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Dans ce film, les apparences sont trompeuses. Vincent Mandel est dépeint comme un bon père de famille piégé dans une vengeance qu'il ne comprend pas alors que Joseph ressemble à un sadique revanchard. Puis, à mesure que l'intrigue se déroule, les masques tombent et la victime n'est plus celle que l'on croit. Vincent s'est d'abord bien gardé de révéler à son entourage, qui l'aide à s'extirper de la machination dans laquelle Joseph l'enfonce, qu'il récolte ce qu'il a semé quand il avait treize ans. Quant à Joseph, il n'est plus un froid psychopathe mais un garçon brisé dont la vie s'est arrêtée alors qu'il n'était qu'un adolescent. L'affrontement entre les deux hommes réserve quelques moments de tension bien maîtrisés et le duel Attal/Cornillac est une belle trouvaille. Yvan Attal est tout à fait crédible dans son rôle de père de famille aux abois : il est dépassé par les événements mais pas pathétique. Et Clovis Cornillac trouve dans Le Serpent un rôle excellent lui permettant de se transformer en personnage effrayant par la violence dont il peut faire preuve mais surtout par sa capacité à s'insérer dans la vie des autres. Sans oublier la folie sous jacente qui l'habite et qui surgit à la fin de l'histoire. Cornillac est tellement bon dans cet exercice que je regrette que ce ne soit pas Joseph le héros de l'histoire. 

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Donc globalement, c'est un scenario bien ficelé (malgré quelques longueurs au début), avec de bons acteurs et c'est vraiment plaisant à regarder. Cependant, il y a quelque chose qui me chiffonne dans ce genre de films (et c'est à partir de maintenant que je raconte la fin!)

Le fait que Vincent ne soit pas une innocente victime m'a beaucoup fait réfléchir. On apprend qu'il a enfermé Joseph dans la cuisine d'un bâtiment abandonné pour se moquer de lui et l'y a laissé là toute la nuit. Malheureusement, la plaisanterie a tourné au cauchemar pour Joseph qui a été violé par un vagabond et par la suite, sa mère est tombée dans une dépression si profonde qu'elle a été hospitalisée dans un institut où elle s'est suicidée vingt-cinq ans plus tard. Joseph n'a pas pu se construire normalement et intérieurement, il est mort. Sans approuver sa vengeance mûrement réfléchie, le spectateur est en mesure de la comprendre. Au début, toute ma sympathie convergeait vers Vincent, ce gentil papa poule, pas si gentil au demeurant. Quand il raconte l'histoire de Joseph, il ne semble éprouver aucun remord et on dirait presque que la motivation de son ancien camarade lui échappe. Il a l'air de penser qu'il n'a rien fait de mal. Le héros de l'histoire est donc un sale type et l'intrigue n'est pas si morale qu'on le pense. Je suis la première à râler quand le scenario et les personnages sont trop manichéens alors ça me va mais seulement si on garde cette logique jusqu'au bout. Sauf que la fin me laisse perplexe parce que cet homme ne perd rien, même quand toute sa famille risque de mourir. En schématisant, la victime (Joseph) est punie alors que Vincent a juste vécu quelques jours difficiles. Dans ma logique, Vincent aurait dû mourir ou perdre sa famille. C'est monstrueux à dire mais c'est dans ce sens que va l'histoire mais ce n'est pas moral de tuer des enfants alors on fait comme dans Que Justice soit faite, on prend le spectateur pour un jambon en twistant la fin et tant pis pour la cohérence. 

Et ça m'amène à mon deuxième point. Est-ce qu'on pourrait m'expliquer une bonne fois pour toutes comment un quarantenaire pas très sportif vient à bout d'un ancien soldat de la Légion avec une flaque d'eau et un bout de verre? (C'est le même souci que dans Collateral, lorsque Jamie Foxx devient un tireur d'élite alors qu'il ne sait même pas retirer un cran de sécurité). S'il y a une qualité que je veux bien reconnaître au cinéma français, c'est son authenticité, surtout dans les polars. Alors pourquoi reprendre les incohérences qui sont légions dans les films américains? Et puis cette bêtise confirme ce que je disais dans le paragraphe précédent. Vincent n'aurait pas dû sortir vivant de cette histoire. 

16 février 2016

Chocolat de Roschdy Zem avec Omar Sy, James Thierrée, Clotilde Hesme, Olivier Gourmet

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L’histoire : Dans un cirque de campagne, à la fin du XIXème siècle, l’auguste Footit rencontre Rafaël Padilla, dont la couleur de peau le cantonne à un rôle de sauvage sanguinaire ramené d’Afrique. Décelant en dans sa présence et sa gestuelle un immense potentiel comique, il le convainc de former un duo de clowns, réunissant pour la première fois l’auguste et le clown blanc.

Je ne suis pas une grande amatrice de cirque en tant que spectatrice et les clowns ne sont pas vraiment ma tasse de thé. Paradoxalement, j’aime l’envers du décor et l’univers « hors-piste » du cirque. Ajoutez à cela un contexte historique que j’adore et un casting sympa, il n’en fallait pas plus pour me convaincre d’aller voir ce film. Même si c’est français !

En sortant de la séance, j’étais assez mitigée. L’histoire est pourtant intéressante. Je ne connaissais pas du tout Chocolat et raconter sa vie est un bon moyen de montrer ce qu’il a apporté au monde du cirque avec son association inattendue avec Footit. Inattendue de deux points de vue : l’auguste et le clown blanc n’apparaissaient jamais ensemble avant eux et l’amitié entre un Blanc et un Noir au tout début du XXème siècle n’avait rien de naturel. Les thèmes du film, bien qu’ils ne soient pas révolutionnaires, restent universels : la gloire fulgurante de chocolat l’entraîne dans un cercle vicieux fait de dépenses colossales, de jeux d’argent et d’alcool. Après s’être libéré de l’esclave et extirpé de la misère, le jeune homme entend profiter de la vie et perd pied pour n’avoir pas su fixer des limites. C’est à ce moment que les ficelles qui dirigent les personnages deviennent grosses comme des maisons et Rafaël tombe sans aucune subtilité dans la consommation de stupéfiants comme le laudanum et l’opium.

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Il n’est pas seulement question de cirque dans Chocolat. Du fait de sa couleur de peau, le personnage est victime de discrimination et de racisme, ce dont il va peu à peu se rendre compte, notamment grâce à sa rencontre en prison avec un Haïtien. Ce dernier le bouscule (idéologiquement) et le convainc d’utiliser sa renommée de clown pour défendre la cause des Noirs. Ce que Rafaël va faire en se démenant pour interpréter Othello, personnage joué depuis toujours par un Blanc grimé en Noir. La cause est noble mais manque, elle aussi, de subtilité. La scène de la prison mise à part, je n’ai pas senti assez de haine éprouvée pour Chocolat et les moments de rivalité avec d’autres clowns sont trop grossiers pour instaurer un véritable climat raciste et malsain (qui devait pourtant exister à l’époque). Et puis, certains plans sont tellement clichés qu'ils devraient être interdits, comme lorsque Rafaël découvre une tribu africaine reconstituée pour l’exposition coloniale de Paris et qu’un des garçons présents se met à lui parler dans un dialecte. Rafaël est paralysé et le fixe intensément, sans rien dire. Quelqu’un le tire en arrière, il résiste un peu, s’éloigne lentement puis jette un dernier regard attristé vers le garçon. On passerait avec un panneau « Il se sent coupable » que ce ne serait pas plus subtil.

Et pour en terminer avec les mauvais points : la fin est totalement inutile et hors de propos. Elle est d’un pathétique absolu et n’a pour but que de tirer quelques larmes au spectateur un peu trop sensible, et encore, je suis sûre qu’il n’est pas dupe. Roschdy Zem mène l’histoire de ce pauvre Chocolat sans grande finesse et parfois, son film donne l’impression d’être calculé pour donner une émotion précise à un moment donné. Le souci, c’est que l’émotion n’est pas quelque chose de réfléchi, surtout quand il s’agit de bouleverser un spectateur.

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Cependant, le film a deux atouts dans sa poche. Le premier est la reconstitution de l’époque qui est assez admirable. J’ai toujours eu un faible pour les films en costume et je n’ai vraiment pas été déçue. Ajoutez aux gilets brodés de Rafaël des tenues de cirque extravagantes et je suis comblée ! Le travail pour rendre l’atmosphère du Paris du début du XXème siècle doit être mis en avant, c’est une belle réussite. Et puis, il y a James Thiérrée, qui incarne Footit. Je suis désolée pour Omar Sy, qui ne fait pourtant aucun faux pas, mais le charisme du petit-fils de Charlie Chaplin l’affadit. On sent l'artiste en lui, à travers sa voix, sa gestuelle, sa présence. En tant qu'acteur, il est juste génial. Et le fait que ce clown blanc, probablement dépressif, reste insondable rend le personnage encore plus intéressant. Le passage plus marquant du film est, pour moi, celui où Marie, la compagne de Rafaël, vient le voir, paniquée parce que son amant a disparu. Footit la secoue un peu en affirmant que tout le monde se fiche de sa souffrance et que parfois, "quand il se lève le matin, il a tellement envie de crever que c'en est insupportable". Le problème, c'est qu'en effet, le film ignore totalement ses sentiments. En comparaison, Chocolat est bien plus lisible, surtout quand on voit la subtilité avec laquelle on le traite. 

Vouloir réhabiliter Rafaël Padilla, l'homme caché derrière le nom de Chocolat, est une intention louable et le pari est tenu. Je regrette juste que le film ne soit pas plus authentique dans les sentiments qu'il veut véhiculer. 

13 février 2016

Wilderness de Michael J. Bassett avec Toby Kebbell, Stephen Wight, Alex Reid, Sean Pertwee

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L'histoire : Après le suicide d'un de leurs co-détenus, six délinquants sont emmenés sur une île, ancienne base militaire, pour un stage de survie. Très vite, le séjour tourne mal et l'un d'entre eux disparaît.

C'est samedi soir, la semaine a été un peu fatiguante alors je n'avais pas envie de réfléchir. J'ai donc choisi un petit film d'horreur sur Netflix, un peu au hasard; Autant dire tout de suite que Wilderness ne bouleverse en rien les codes du survival et les grandes lignes de l'intrigue sont dessinées dès le début. Une bande de jeune, une menace cachée dans les bois, des disparitions, des retrouvailles sanglantes... Cela dit, cette production britannique n'est pas dépourvue d'un certain charme et je n'ai pas boudé mon plaisir.

Le premier bon point vient du lieu dans lequel se tient la majorité de l'histoire. C'est une île d'aspect un peu rude mais pas particulièrement hostile. Il y a quelques falaises escarpées battues par le vent, mais aussi des petites plages et le centre boisé n'a rien d'effrayant. Le paysage typiquement britannique est vraiment joli et la beauté de cette nature est assez souvent captée à l'écran.

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Deuxième bon point: les personnages. Comme je l'ai dit, c'est un film made in Great Britain et cela se ressent dans la construction de l'intrigue. Bien sûr, il faut respecter le genre horrifique, mais rien n'oblige à aligner les clichés. Nous n'avons donc pas d'écervelée à gros seins, ni de sportif un peu concon et de nerd spécialiste des slasher movies. Les délinquants présents sur l'île ont tous mérité leur place en prison et aucun d'entre eux ne dissimule un coeur d'or. Leur superviseur annonce juste qu'il y a un tueur, un psychopathe, un violeur, un braqueur et un trafiquant de drogues ; et c'est au spectateur de déterminer qui a fait quoi. Ce que j'ai particulièrement apprécié, c'est que leur nature profonde n'est pas effacée par la peur. Ils n'agissent pas à l'encontre de ce qu'ils sont pour devenir des héros et le sadisme de certains est même exacerbé par la situation. Leurs préoccupations sont très pragmatiques et chacun ne songe qu'à sauver sa peau, quitte à laisser quelqu'un mourir pour cela. Les jeunes acteurs choisis pour incarner cette bande de joyeux lurons me sont totalement inconnus, à part Toby Kebbell (qui a tellement de potentiel grâce à son charisme!) mais ils sont assez bons.

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Wilderness comporte aussi son lot de passages un peu gores assez réussis et l'utilisation de l'hémoglobine, bien qu'un peu exagérée, reste plutôt crédible. Que ce soit pour le décor, les personnages, ou même les tueries, il y a une sorte d'authenticité qui repose des trucs américains, souvent trop sanglants, trop cons, trop prévisibles, trop tout. Je ne dis pas que Wilderness est un chef d'oeuvre, loin de là... La fin perd un peu en rythme et n'a rien de surprenant. La dernière image est un copier-coller de tous les films qui se passent sur une île et m'a très fortement rappelé Battle Royale. Mais bon, c'est samedi soir alors je suis d'une surprenante indulgence et puis je mentirais si je disais que je me suis ennuyée.

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Les Chroniques de Mel
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